Né à même le sol d’un mobil-home au fin fond des Appalaches d’une jeune toxicomane et d’un père trop tôt disparu, Demon Copperhead est le digne héritier d’un célèbre personnage de Charles Dickens. De services sociaux défaillants en familles d’accueil véreuses, de tribunaux pour mineurs au cercle infernal de l’addiction, le garçon va être confronté aux pires épreuves et au mépris de la société à l’égard des plus démunis. Pourtant, à chacune des étapes de sa tragique épopée, c’est son instinct de survie qui triomphe. Demon saura-t-il devenir le héros de sa propre existence ?

Comment ne pas être attendri, secoué, bouleversé par la gouaille, lucide et désespérée, de ce David Copperfield des temps modernes ? S’il raconte sans fard une Amérique ravagée par les inégalités, l’ignorance, et les opioïdes – dont les premières victimes sont les enfants –, le roman de Barbara Kingsolver lui redonne toute son humanité. L’auteur de L’Arbre aux haricots et des Yeux dans les arbres signe là un de ses romans les plus forts, couronné par le prestigieux prix Pulitzer et le Women’s prize for fiction. Traduit par Martine Aubert.

Mon avis

Découvrir Barbara Kingsolver, c’est comme ouvrir une veille malle oubliée dans un grenier poussiéreux, détailler chaque objet et se souvenir.

 

Découvrir la vie de Demon, c’est s’apprêter à effectuer un voyage à travers l’horreur. Celle que l’on refuse de voir, souvent, celle que l’on rejette, tant qu’elle nous ne touche pas, celle que l’on refuse d’approcher. Peut-on parler de fatalité, lorsqu’on naît dans une famille dysfonctionnelle où la drogue sévit ? Peut-on parler de chance lorsqu’elle sourit ?

 

J’ai été touchée par l’abnégation de Demon. Malgré toutes les péripéties traversées, il subsiste en lui cette petite étincelle, cette flammèche, où l’espoir survit. Il en faut de la débrouillardise pour se sortir de la misère et de la violence, pour se donner la chance de vivre et d’oser braver ses démons.

 

Barbara Kingsolver est une conteuse prodigieuse. Elle sculpte les personnages avec une finesse magistrale. Chaque relief a une histoire particulière, chaque imperfection témoigne. Elle nous oblige à porter notre attention sur tous les aspects. C’est fort. C’est ingrat. C’est douloureux. Une sombre beauté. Elle raconte l’abject. Elle raconte les oublié.es. Elle raconte l’innommable et l’indicible. Une longue balade tumultueuse. Un épanchement lugubre où pourtant tout reste à bâtir.
 

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