LITTÉRATURE CONTEMPORAINE

Éditions JC Lattès

C’est un endroit à l’abri du temps. Ce minuscule hameau, qu’on appelle Les Montées, est un pays à lui seul pour les jumelles Ambre et Aelis, et la vieille Rose.
Ici, l’existence n’a jamais été douce. Les familles travaillent une terre avare qui appartient à d’autres, endurent en serrant les dents l’injustice. Mais c’est ainsi depuis toujours.
Jusqu’au jour où surgit Madelaine. Une fillette affamée et sauvage, sortie des forêts. Adoptée par Les Montées, Madelaine les ravit, passionnée, courageuse, si vivante. Pourtant, il reste dans ses yeux cette petite flamme pas tout à fait droite. Une petite flamme qui fera un jour brûler le monde.

Avec Madelaine avant l’aube, Sandrine Collette questionne l’ordre des choses, sonde l’instinct de révolte, et nous offre, servie par une écriture éblouissante, une ode aux liens familiaux.
Ma note : 5/5

Au crépuscule des vies

Une colline surplombant un village parmi tant d’autres. Le bucolisme se trouve dans ces terres dont dépendent les villageois, dans ces sabots qui battent la terre battue, dans ces corps décharnés qui courent loin de la faucheuse, derrière ces vies qui se battent pour survivre. L’espoir et la joie se répandent quand la terre est noyée sous la richesse des céréales, quand le four marche quotidiennement, quand les enfants courent sur les chemins, quand le fils du seigneur est loin de ses terres.

 

Chaque saison correspond à une ritournelle inscrite dans cet héritage pesant. Des gestes maintes fois répétés, appris, usant les âmes et les corps. Les anciens rappellent sans cesse que rien n’est jamais acquis et que le malheur loge dans chaque chaumière.

 

Revenons à cette colline. Trois maisons. Une guérisseuse, deux jumelles et leurs familles respectives. Un quotidien bien huilé où le bonheur est un trésor bien gardé. Puis, un jour, une petite fille débarque. Orpheline, affamée, la sauvagerie brille dans ses yeux. Adoptée, par l’une des sœurs jumelles, elle grandit au fil des jeux, des escapades, des rires, des larmes, de la faim, des hivers rudes, des tâches et du travail harassant. Ils l’appelèrent Madeleine.

 

Brillent dans les yeux de Madeleine, la curiosité, la révolte, l’injustice de ce monde qui n’épargne rien et l’amour puissant qui lie les personnes d’une même famille. Confrontée à la rudesse de ces terres, Madeleine est motivée par ce sentiment d’urgence de survivre. Malgré les épreuves, malgré la mort qui rôde, malgré les gestes incestueux, Madeleine porte en elle cette flamme éternelle des combattantes.

 

Sandrine Collette signe un nouveau roman tonitruant. Elle excelle avec sa narration surprenante qui nous plonge dans un monde qui fait écho au nôtre. Elle décrit la violence des vies avec cette subtilité qui accapare nos sens et nos émotions. Mené par le bout du nez, le lecteur n’a qu’une seule option, celle de plonger dans ce remous fracassant où les images s’entrechoquent, nous bousculant jusqu’à nous couper le souffle. La nature a toujours une place importante dans les récits de Sandrine Collette, considérée comme une personnage à part entière. Elle évolue sans cesse imposant cette adaptation rude rendant l’histoire tumultueuse. On notera la présence d’une nouvelle figure de style : la personnification. Toute aussi surprenante, son utilisation renforce ces liens chers à nos valeurs humaines.

 

Un roman subjuguant. Sandrine Collette n’a plus à confirmer sa place dans le paysage littéraire français. 

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