LITTÉRATURE CONTEMPORAINE

Éditions Phébus

« Et c’est peut-être avec l’un de ces sourires narquois, l’une de ces plaisanteries faciles partagées autour d’un verre pris légèrement trop tôt, qu’un jour Antoine a décrété que sa place était ici. Il a cru, lui aussi, qu’il était fait d’un meilleur bois. » Une île de la Manche située à vingt kilomètres du continent. Qu’on y vive depuis la naissance ou qu’on y passe pour les vacances, le va-et-vient des vagues reste le même. Pour les points communs, c’est à peu près tout. Car il y a les habitants des casernes, élevés sur l’île et façonnés par la mer. Et il y a les vacanciers des maisons blanches, ceux de la plaine ou de l’anse, qui frottent leurs vareuses contre les cailloux pour en avoir l’air. Parmi eux Antoine, qui n’aspire qu’à passer de l’autre côté. C’est sa trajectoire que raconte son petit frère en retraçant le fil des étés. Premier roman mélancolique et empreint de poésie, La mer est un mur est une étincelante partition sur la construction d’un garçon, avec son lot de fractures, d’amours et de regrets.

Entre terre et mer.

Premier roman tumultueux où la mélancolie côtoie avec humilité les regrets d’un enfant.

 

Une île, quelque part dans les flots de la Manche, à quelques kilomètres de la côte. Une île où se confrontent l’archaïsme cloîtré dans les casernes et la modernité avec ses jolies maisons secondaires, ces citadins d’un autre monde. Les pêcheurs de l’île contre les vacanciers. Une guerre silencieuse où les regards jugent l’incompréhensible. Le temps semble se délier dans une autre temporalité. Antoine et sa famille, y passent tous leurs étés.

 

Les étés défilent et le petit frère d’Antoine, le voit grandir, s’interroger, chercher son chemin et basculer. Peut-on d’ailleurs parler de basculement quand ce choix n’est pas conforme aux attentes de la famille ? De petit garçon adorable, il est, ensuite, étiqueté de vilain petit canard. Le narrateur retrace alors, ce bouleversement. Ce grand frère qui s’émancipe de la normalité et choisit, peut-être par amour, une voie atypique, hors norme où l’acceptation par les autres se passe par changer son point de vue. Peu à peu, le récit sombre dans les embruns de l’alcool, terrain de la perdition entre aspiration et illusions. Cette île captive les rêves les plus fous d’évasion, d’amour, d’adulation, de pardon et d’acceptation. Elle garde prisonnières les âmes, ne les relâchant qu’à leur trépas. Elle façonne les habitants, leur insufflant le jugement comme arme fatale. Elle les croque jusqu’à que leurs corps s’avouent vaincus et s’échouent.

 

Marin Postel, primo romancier, nous plonge dans la beauté cruelle des chimères d’un adolescent épris par la beauté et confronté par l’absence émotionnelle d’un père et la présence pressante de la mère. Un garçon hyperémotif qui n’est pas au diapason avec ses émotions s’acheminant vers la fracture familiale, le refus du conventionnel et de lui-même. 

 

La poésie de la plume de Marin Postel met en exergue la dureté des propos, de la confrontation. Elle magnifie l’isolement, la féroce beauté de l’île et des difficultés de sociabilisation. L’amour transparaît au détour d’un regard, d’un geste, des mots. Elle emporte le lecteur dans ce rythme envoûtant et arythmique de la mer qui dicte les lois d’une terre désolée où le labeur est l’unique reconnaissance. Le ressac comme seul témoin d’un garçon qui s’est perdu dans l’intolérance générale.

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