
LITTÉRATURE CONTEMPORAINE
Éditions Albin Michel – Collection Terres d’Amérique
« Jadis, nous étions un peuple qui ne laissait pas de traces. Aujourd’hui, nous sommes différents. Nous laissons une profonde empreinte sur la terre. Moi aussi, j’ai laissé mes traces. J’ai laissé ces mots derrière moi. Mais alors même que je les écris, je sais qu’ils sont comme des pas dans la neige. Au printemps, ils auront disparu.»
Hiver 1912. Le froid et la famine s’abattent sur une réserve du Dakota du Nord alors que les Indiens Ojibwés luttent pour conserver le peu de terres qu’il leur reste. Décidée à venger son peuple, Fleur Pillager entreprend un long périple qui la mènera jusqu’à Minneapolis.
Racontée tour à tour par Nanapush, un ancien de la tribu, et Pauline, une jeune métisse, l’aventure de la belle et indomptable Fleur donne lieu à un roman puissant et profond, où le désir de vengeance finit par céder à celui, plus fort encore, de se reconstruire.
Écrits à vingt ans d’intervalle, les deux parties qui composent ce roman sont réunies pour la première fois. Voici l’occasion pour les lecteurs français de découvrir un texte dans la veine des classiques de Louise Erdrich, tels que La Chorale des maîtres bouchers, Love Medicine ou Dernier rapport sur les miracles à Little No Horse. Traduit de l’américain par Michel Lederer.
Des traces semées aux quatre vents
Louise Erdrich a le talent d’oratrice. Ces mots qui claquent dans le vent, qui enrobent dans la chaleur d’un feu, qui se murmurent loin des esprits, qui valsent quand la joie s’immisce. La sagesse de Louise Erdrich bouleverse, elle nous catapulte dans l’indicible et dans la violence du déracinement, dans la perte des origines, dans ses souvenirs qui s’étiolent au fil des ans au grès du vent et de la folie humaine.
Comme des pas dans la neige est singulier et fortement émouvant. Ce roman contient deux textes écrits à vingt ans d’intervalle. Le premier Traces recèle toute la puissance de le verbe de Louise Erdrich. Elle y raconte la vie de l’inépuisable et mystérieuse Fleur. Nanapush, un ancien de la tribu et filou à ses heures perdues, Pauline, une jeune métisse perdue dans ses rêves de triomphe, se partagent la narration et leur point de vue. Parfois austère et dur, parfois inquiet et rieur, le narrateur ancre le récit dans un contexte politique et sociétal où la haine contre les Indiens est à son apogée. Privés de leurs terres, enfermés dans ces camps de la misère, les traditions qui tentent de survivre avec ses hommes, ses femmes et ses enfants à qui on a coupé leur sacré. Fleur est une roublarde, guerrière qui use de la magie et de la sournoiserie pour arriver à ses fins. Lorsqu’elle perd son enfant né prématurément et ses terres, la vengeance et la haine s’installent dans son cœur. Le second récit Quatre âmes se veut plus dans la légèreté. Les émotions virevoltent, les situations incongrues sont source d’hilarité, pourtant la violence de la vie est à son apogée.
Comme des pas dans la neige est le récit tendre, émouvant, burlesque et spirituel d’une femme singulière qui s’accroche à ses origines, à ses aspirations, à ses croyances et qui rejette la peur, le doute, l’annihilation, la soumission. Elle représente les femmes de sa tribu, leur richesse, leur pouvoir, leur force, leur courage et leur bienveillance. La rudesse des lieux, de la vie et de la séparation, l’anéantissement d’un peuple au profit de l’égoïsme, de l’avarice et du pouvoir de l’homme blanc, ancrent le récit dans cette réalité oubliée.

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