LITTÉRATURE CONTEMPORAINE

Éditions Buchet Chastel

« Je ne veux pas penser à toi, je ne veux pas. C’est pour cela que je tremble, parce que l’idée de toi, de toi maintenant quitté, cette idée-là m’obsède. Je suis pourtant sauvée, je vais vivre, ne plus me poser la question de mourir, je vais vivre, mais reste-t-il encore en moi quelque chose de vivant ? » Elle a tout abandonné pour lui. Elle avait du talent et commençait à être reconnue. Comme lui, elle est sculpteur. Mais elle est devenue sa servante. Insidieusement. Elle s’est oubliée, reniée et tente, au début de ce court roman intense, de prendre la fuite. On pourra évoquer (même si ce n’est pas du tout ça !) l’histoire Camille Claudel/Rodin. Mais le sujet est hélas assez universel. Et des femmes parfois en meurent sans que, autour d’elles, on ne se doute de la raison de leur suicide. Violaine Bérot raconte, avec son style reconnaissable et poétique, cette tragédie que représente le fait de devenir « personne ».

À quel prix ?!

Confidences silencieuses de l’oubli de soi dans ce processus de la manipulation perverse, Violaine Bérot décortique l’effet perfide de l’amour toxique. Celui qui détruit dans le mutisme insidieux et invisible. Celui qui accable sans aucune raison valable. Celui qui accapare l’âme, la chair, la vie. Celui qui noie la possibilité de devenir quelqu’un. Celui qui tue dans ses larmes intérieures.

 

Violaine Bérot s’accroche à cette héroïne anonyme. Elle lui y insuffle le courage de fuir, la possibilité d’une autre vie. Mais le mal est déjà incrusté dans les pores, dans les cellules, dans l’ADN. Il lui souffle que rien n’est possible sans lui, que respirer sans le voir n’est pas faisable, que ne plus sentir son corps la nuit, c’est la mort. Que l’espoir est plus fort que lui. C’est son ancre.

 

Violaine Bérot s’applique avec une honnêteté transparente de transcrire ce processus machiavélique. Les émotions bridées, la voix qui n’a plus de valeur, l’effacement de soi, la paralysie de l’être qui se voue à chercher dans les mots, les gestes de l’autre la moindre étincelle de reconnaissance. Ce fil ténu est le don soi qui se nourrit dans l’espoir de l’amour éternel, merveilleux.

 

Une plume sincère, bouleversante qui s’insinue dans les sens et qui les bouscule. L’incompréhension, la violence, l’abandon comme maîtres-mots d’un amour vaincu et bafoué. Tendre la main, écouter, comprendre ces vies qui se finissent sous la lune.

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