LE JOUR ET L’HEURE, un roman de Carole Fives.

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LITTÉRATURE CONTEMPORAINE

Éditions Points

Un road trip tendre et déchirant, qui dresse avec délicatesse le tableau d’un clan confronté à la maladie.
« On s’est retrouvés à la gare de la Part-Dieu. Maman avait son rendez-vous en début d’après-midi et elle n’avait qu’une peur, le rater. On est partis avec la Peugeot à sept places. Papa et Maman devant, et nous, les quatre enfants, derrière, comme à la belle époque. »
Édith se sait gravement malade. Elle a convaincu sa famille de l’accompagner en Suisse, où la mort volontaire assistée est autorisée. Elle a choisi le jour et l’heure. Le temps d’un dernier week-end, chacun va tenir son rôle, expérimenter ce lien inextricable qui soude les membres d’une famille, et tenter d’oublier qu’au retour, ils ne seront plus que cinq…

« Putain, que c’est beau ! »

Condamnée, choisir la date de sa mort avant que la maladie ne s’empare entièrement de son corps et de sa tête, est un acte à la fois de résilience, de libération et un joli pieds de nez à la vie.

 

Edith se refuse de vivre, mais d’être aussi un poids pour ses enfants et son mari. La déchéance maladive, cet état de délabrement, est une vision sinistre de la vie quand l’on sait que le combat, même vain, ne pourra mener qu’à la mort dans la douleur, dans la souffrance, dans l’effacement de la personne qui fut jadis.

 

Si Carole Fives explore le sujet épineux « du suicide assisté », elle met au cœur de son ouvrage le ressentiment de l’entourage proche. La colère, la résignation, la peur, l’effroi de la perte émergent tout au long du roman. Puis, il y a cette compréhension latente qui s’installe. Planifier le dernier week-end en Suisse, les derniers instants, les derniers mots, les derniers sourires, les derniers gestes, le dernier soupir mêlé au chagrin, aux souvenirs, aux éclats de rires, à l’héritage.

 

Confrontation paradoxale dans ce monde où l’éternité semble le but à atteindre et où réclamer la mort serait le péché ultime. Réflexion immersive dans ces émotions turbulentes, dans ce deuil à préparer au côté du déni. Absolution du geste libérateur et égoïste par la privation de l’image de l’amour, ici, maternel. Carole Fives, audacieuse, construit son roman choral autour des personnages, d’une famille unie, confrontés au jour et à l’heure.

 

Un roman qui se lit d’une traite. Une immersion malsaine dans cette intimité que l’on ne voudrait pas partager, mais, qui met en exergue l’incongruité d’une politique contrôlée de la mort au détriment de la déchéance du corps, du sentiment humain, de la vie.

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